On l'enveloppa dans une grande toile, et on le rendit à l'Océan. Sur la toile, à la peinture rouge, le capitaine écrivit: "Thanks Danny".
Et c’est ainsi que, brusquement, Novecento devint orphelin pour la seconde fois. Il avait huit ans, et derrière lui déjà une cinquantaine d’allers-retours Europe-Amérique. Sa maison, c’était l’Océan. Quant à la terre, eh bien, il n’y avait jamais posé le pied. Il l’avait aperçue, bien sûr, depuis les ports. Mais y descendre, jamais. Il faut dire que Danny avait peur qu’on le lui prenne, avec les histoires de papiers et de visas, ce genre de choses. Si bien qu’à chaque fois, Novecento, lui, il restait à bord et puis, au bout d’un certain temps, on repartait. À dire précisément, Novecento, pour le monde, il n’existait même pas : pas une ville, pas une paroisse, pas un hôpital, pas une prison, pas une équipe de base-ball où son nom soit marqué quelque part. Il n’avait pas de patrie, il n’avait pas de date de naissance, il n’avait pas de famille. Il avait huit ans : mais officiellement il n’était pas né.
" Ça ne pourra pas continuer longtemps cette histoire, disaient quelquefois les autres à Danny.
- Et en plus c'est contre la loi." Mais Danny avait une réponse qui faisait pas un pli: " Au cul la loi", il disait. On ne peut plus réellement discuter, à partir de là.
Alessandro Baricco
Merci