Novecento: pianiste 26

Un jour, quelqu'un lui apporta un journal où il y avait une réclame, et un type avec une tête d'imbécile et des moustaches fines-fines, genre latin lover, et un citron gros comme ça dessiné, et ce qu'il y avait d'écrit à côté, c'était: " Tano Damato, le citron des rois", avec je ne sais quel certificat ou premier prix ou quoi... Tano Damato... Le vieux Boodmann, il a pas fait un pli. "C'est qui ce pédé?" il a dit. Et il s'est fait donner le journal parce que, à côté de la réclame, il y avait les résultats des courses. Il n'y jouait pas aux courses: c'étaient les noms des chevaux qui lui plaisaient, seulement ça, c'était une vrai passion, il te disait toujours "écoute celui-là, écoute; il a couru hier, à Cleveland, écoute, ils l'ont appelé Cherchembrouille, non mais tu te rends compte? c'est pas Dieu possible! et celui-là? regarde, Peut Mieux Faire, c'est pas à crever de rire?", il aimait ça, les noms des chevaux, c'était sa passion, quoi. Lequel avait gagné, il s'en tamponnait complètement. Ce qui lui plaisait, c'était les noms.
Cet enfant là, il a commencé par lui donner le sien, de nom: Danny Boodmann. La seule vanité qu'il se soit jamais accordée. Puis il a ajouté T. D. Lemon, exactement comme c'était marqué sur la boîte en carton, parce qu'il disait que ça faisait bien d'avoir des lettres au milieu de son nom: " Tous les avocats, ils en ont", confirma Burty Burn, un machiniste qui avait fait de la prison grâce à un avocat qui s'appelait John P. T. K. Wonder. " S'il fait avocat, je le tue", déclara le vieux Boodmann, mais il lui laissa les deux initiales à l'intérieur de son nom, ce qui donna Danny Boodmann T. D. lemon.
Alessandro Baricco

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