Le temps des cerises (91)

Un témoignage de Victorine Brocher, 31 ans, piqueuse en bottines, ambulancière dans la garde nationale:
"Le 7, nous nous mîmes en marche du côté de Neuilly où une lutte violente se livrait.
Les versaillais étaient à quelques pas des fortifications, tout semblait si calme qu’on ne s’en serait pas douté.
Dans la soirée, nous prîmes position dans le contre fort des remparts; nos officiers nous recommandèrent le silence absolu, disant que l’ennemi nous guettait et qu’il fallait nous préparer à combattre.
Nous étions installés tant bien que mal; nos volontaires attendaient, l’arme au pied, avec courage, le signal.
J’avais préparé tout ce qui est nécessaire en pareilles circonstances pour nos blessés…
Par maladresse, un de nos amis, sans le vouloir, fit partir son fusil; ce fut le signal de la lutte, d’une lutte sauvage; il nous tomba une grêle de balles, la fumée de la poudre nous aveuglait, les obus labouraient la terre.
Tous furent courageux, le combat dura assez longtemps, nous allions à la mort avec la satisfaction du devoir accompli. Oh! Comme on est fort quand on a la foi, la conviction, la conscience heureuse et la gaieté au cœur. Nous vengions notre chère France, outragée et vendue, nous donnions notre sang, notre vie pour la liberté; à chaque étape sanglante, nous criions "Vive la République!". Nous n’ignorions pas qu’on voulait écraser Paris pour tuer la République.
Après deux heures de lutte, le feu cessa; au loin nous aperçûmes les flammes s’élevant graduellement…. C’était la porte de Neuilly qui brûlait… à 3 heures du matin elle était démantelée, il ne restait plus debout qu’un pan de mur, se soutenant à peine… ce qui nous permit de voir, non à la lueur des flammes, mais aux reflets de l’incendie, nos désastres, et quel désastre, nos blessés et nos morts…."

Victorine fera partie des survivants de la Commune et racontera son expérience dans son livre: "Souvenirs d'une morte vivante"

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