Le Petit Prince 72

Il avait le regard sérieux, perdu très loin :
– J’ai ton mouton. Et j’ai la caisse pour le mouton. Et j’ai la muselière...
Et il sourit avec mélancolie.
J’attendis longtemps. Je sentais qu’il se réchauffait peu à peu :
– Petit bonhomme, tu as eu peur...
Il avait eu peur, bien sûr ! Mais il rit doucement :
– J’aurai bien plus peur ce soir...
De nouveau je me sentis glacé par le sentiment de l’irréparable. Et je compris que je ne supportais pas l’idée de ne plus jamais entendre ce rire. C’était pour moi comme une fontaine dans le désert.
– Petit bonhomme, je veux encore t’entendre rire...
Mais il me dit :
– Cette nuit, ça fera un an. Mon étoile se trouvera juste au-dessus de l’endroit où je suis tombé l’année dernière...
– Petit bonhomme, n’est-ce pas que c’est un mauvais rêve cette histoire de serpent et de rendez-vous et d’étoile...
Mais il ne répondit pas à ma question. Il me dit :
– Ce qui est important, ça ne se voit pas...
– Bien sûr.
– C’est comme pour la fleur. Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c’est doux, la nuit, de regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries.
– Bien sûr...
– C’est comme pour l’eau. Celle que tu m’as donnée à boire était comme une musique, à cause de la poulie et de la corde...tu te rappelles... elle était bonne.
– Bien sûr...
– Tu regarderas, la nuit, les étoiles. C’est trop petit chez moi pour que je te montre où se trouve la mienne. C’est mieux comme ça. Mon étoile, ça sera pour toi une des étoiles. Alors, toutes les étoiles, tu aimeras les regarder... Elles seront toutes tes amies. Et puis je vais te faire un cadeau...
Il rit encore.
Antoine de Saint-Exupéry

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