La petite fille de M. Linh 46

Sans s’en apercevoir, Monsieur Linh vient de poser la main sur le banc en face du Parc. Celui où la veille il s’était reposé. Celui où cet homme un peu gros, aimable et souriant lui avait parlé et avait mis la main sur son épaule. Il s’assied et soudain lui revient le souvenir de cet homme, de sa bouche qui paraissait dévorer les cigarettes, de ses yeux à la fois graves et rieurs, de la mélodie de sa voix qui prononçait des mots qu’il ne comprenait pas, et le souvenir du poids de sa main également, lorsqu’il la posa sur l’épaule, et qu’il tressaillit de peur, avant de se sentir honteux d’avoir ainsi
réagi.
Oui, c’était bien là, se dit Monsieur Linh tandis qu’il pose l’enfant sur ses genoux après s’être assis sur le banc. La petite a ouvert les yeux. Son grand-père lui sourit. «Je suis ton grand-père, lui dit Monsieur Linh, et nous sommes tous les deux, nous sommes deux, les deux seuls, les deux derniers.
Mais je suis là, n’aie crainte, il ne peut rien t’arriver, je suis vieux mais j’aurai encore la force, tant qu’il le faudra, tant que tu seras une petite mangue verte qui aura besoin du vieux manguier.»
Philippe Claudel

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