La petite fille de M. Linh 42

Par contre, lorsqu’il respire, il ne rencontre rien. Ce pays décidément ne sent rien, rien de familier ni de doux. Pourtant, la mer n’est pas loin. Monsieur Linh le sait. Il revoit encore le bateau sur lequel il est arrivé, le grand port bordé de grues immenses qui piochaient dans le ventre lourd des
cargos comme pour les dépecer. Mais il a beau respirer, fermer les yeux et respirer encore, il ne sent pas l’odeur de la mer, ce mélange de chaleur, de salaison et de poisson abandonné au soleil qui est la seule odeur de mer qu’il ait jamais connue, le jour où il lui a fallu aller jusqu’à la côte, à deux
jours de marche du village, pour y rechercher une vieille tante à demi folle qui avait fini par s’y égarer.
Philippe Claudel

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