La petite fille de M. Linh 24

Monsieur Linh a marché droit devant lui, en ne changeant jamais de trottoir. Il s’est dit que s’il ne changeait jamais de trottoir, et ne traversait aucune route, il ne pourrait pas se perdre. Il lui suffirait de revenir sur ses pas pour retrouver l’immeuble du dortoir. Alors il marche droit devant lui, en tenant l’enfant contre lui, l’enfant subitement devenue énorme à cause de tous les vêtements qui couvrent son corps. Le froid colore ses joues qui dépassent des lainages: la petite a bien vite un visage d’un beau rose tendre qui lui rappelle les boutons de nénuphars, ceux qui éclosent au tout début du printemps dans les mares. Lui, ses yeux pleurent. Le froid fait venir les larmes qu’il laisse couler sur son visage sans pouvoir les essuyer car il tient sa petite fille des deux mains, afin qu’aucun voleur ne puisse la lui prendre.
Philippe Claudel

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