La petite fille de M. Linh 105

Quand il contemple la ville, Monsieur Linh ne cesse de penser à son ami, le gros homme. Et quand il regarde la mer, il ne cesse de penser à son pays perdu. Aussi la vue de la mer et celle de la ville le rendent-elles pareillement triste. Le temps passe et creuse en lui un vide douloureux.Bien sûr il y a la petite, et pour elle il faut être fort, faire bonne figure, lui chanter la chanson comme si de rien n’était. Il faut être gai pour elle, lui sourire, la faire manger, veiller à ce qu’elle dorme bien, à ce qu’elle
grandisse, à ce qu’elle devienne une belle enfant. Mais le temps est là, qui blesse l’âme du vieil homme, ronge son cœur et abrège son souffle.
Il aurait tant envie de revoir son ami. Il aurait tant envie de demander à la jeune fille interprète comment faire pour le revoir, mais la jeune fille ne revient pas et la femme du quai pas davantage. C’est pourquoi, après avoir bien réfléchi, Monsieur Linh décide de se débrouiller seul, d’aller en ville
lui-même, de retrouver la rue du dortoir, et celle du banc et du parc, de patienter sur le banc, autant de temps qu’il le faudra, pour revoir enfin son ami le gros homme.
Philippe Claudel

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