Novecento: pianiste 36

L'Océan s'est réveillé/ l'Océan a déraillé/ l'eau explose dans le ciel / elle explose / elle dégringole / arrache les nuages au vent et les étoiles / il est furieux l'Océan / il se déchaîne / mais jusqu'à quand / personne ne sait / un jour entier / ça finira par s'arrêter / maman ce truc-là maman / tu ne me l'avais pas dit / dors mon enfant / c'est la berceuse de l'Océan / l'Océan qui te berce / tu parles qu'il me berce / il est furieux l'Océan / partout / l'écume / et le cauchemar / il est fou l'Océan / aussi loin qu'on peut voir / tout est noir / de grands murs noirs / qui déboulent / et tous là tous / la gueule ouverte / en attendant / que ça s'arrête / qu'on coule à pic / je veux pas maman / que ç s'arrête / qu'on coule à pic / je veux pas maman / je veux l'eau qui repose / l'eau qui reflète / arrête-moi / ces murailles / absurdes / ces murailles d'eau / qui dégringolent / et tout ce bruit/
je reveux l'eau que tu connais
je reveux la mer
le silence
la lumière
et les poissons volants
dessus
qui volent.
Première traversée, première tempête. La poisse. J'avais même pas eu le temps de comprendre où j'étais que je me retrouvais dans l'un des grains les plus terribles de l'histoire du "Virginian". En pleine nuit, il a eu les boules et hop, il a tout envoyé promener. L'Océan. A croire que ça ne s'arrêterait jamais. Le type qui est sur un bateau pour jouer de la trompette, on ne peut pas dire qu'il soit d'une grande utilité quand l'ouragan arrive. Il peut juste éviter de jouer de la trompette, histoire de ne pas compliquer les choses. Et puis rester sur sa couchette, bien tranquille. Mais moi, je ne pouvais pas. T'as beau essayer de penser à autre chose, tu es sur que tôt ou tard ces mots vont venir se vriller dans ton crâne: fait comme un rat. Je ne voulais pas crever comme un rat, alors je suis sorti de ma cabine et j'ai commencé à errer de-ci, de-là. Je ne savais même pas où aller, ça faisait quatre jours seulement que j'étais sur ce bateau, déjà pas mal si je retrouvais le chemin des toilettes. C'est des vraies villes flottantes, ces machins. Sans blague. Bref, ça n'a pas fait un pli, à force de me cogner dans tous les coins et de prendre des couloirs au hasard, comme ça se présentait, j'ai fini par me perdre. Bon. J'étais fichu cette fois.
Alessandro Baricco

Log in to play

Comments