L'agonie de la Sémillante 26

Grand tumulte sur le pont. La brume empêche de se voir. Les matelots vont et viennent, effrayés, à tâtons… Plus de gouvernail ! La manœuvre est impossible… La Sémillante, en dérive, file comme le vent… C’est à ce moment que le douanier la voit passer ; il est onze heures et demie. À l’avant de la frégate, on entend comme des coups de canon… Les brisants ! les brisants !… C’est fini, il n’y a plus d’espoir, on va droit à la côte… Le capitaine descend dans sa cabine… Au bout d’un moment, il vient reprendre sa place sur la dunette, – en grand costume… Il a voulu se faire beau pour mourir.
Dans l’entrepont, les soldats, anxieux, se regardent, sans rien dire… Les malades essayent de se redresser… le petit brigadier ne rit plus… C’est alors que la porte s’ouvre et que l’aumônier paraît sur le seuil avec son étole : « À genoux, mes enfants ! » Tout le monde obéit. D’une voix retentissante, le
prêtre commence la prière des agonisants.
Alphonse Daudet

Log in to play

Comments