la chèvre de M. Seguin 17

Énorme, immobile, assis sur son train de derrière, il était là, regardant la petite chèvre blanche et la dégustant par avance. Comme il savait bien qu’il la mangerait, le loup ne se pressait pas ; seulement, quand elle se retourna, il se mit à rire méchamment : « Ha ! ha ! la petite chèvre de M. Seguin ! » et il passa sa grosse langue rouge sur ses babines d’amadou.
Blanquette se sentit perdue… Un moment, en se rappelant l’histoire de la vieille Renaude, qui s’était battue toute la nuit pour être mangée le matin, elle se dit qu’il vaudrait peut-être mieux se laisser manger tout de suite ; puis, s’étant ravisée, elle tomba en garde, la tête basse et la corne en avant, comme une brave chèvre de M. Seguin qu’elle était… Non pas qu’elle eût l’espoir de tuer le loup, – les chèvres ne tuent pas le loup, – mais seulement pour voir si elle pourrait tenir aussi longtemps que la Renaude…
Alphonse Daudet

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