Le temps des cerises (72)
Les élus de la Commune n'attendent pas pour se mettre au travail. Dès le 29 mars, les premiers décrets sont publiés.
Par exemple:
"La Commune de Paris décrète :
1° La conscription est abolie;
2° Aucune force militaire, autre que la garde nationale, ne pourra être créée ou introduite dans Paris;
3° La Tous les citoyens valides font partie de la garde nationale.
Ou bien, pour le "pouvoir d'achats":
La Commune de Paris,
Considérant que le travail, l’industrie et le commerce ont supporté toutes les charges de la guerre, qu’il est juste que la propriété fasse au pays sa part de sacrifice,
DÉCRÈTE
Art. 1er. Remise générale est faite aux locataires des termes d’octobre 1870, janvier et avril 1871.
Art. 2. Toutes les sommes payées par les locataires pendant les neuf mois seront imputables sur les termes à venir.
Art.3. Il est fait également remise des sommes dues pour les locations de garni.
Art.4. Tous les baux sont résiliables, à la volonté des locataires, pendant une durée de six mois, à partir du présent décret.
Art.5. Tous congés donnés seront, sur la demande des locataires, prorogés de trois mois.
Vu le 1er décret cité par PP, il est plus que temps que je dise un mot de la garde nationale en 1870-71, qui fut, dans les faits, une concrétisation de l'armement du peuple auquel appelait Blanqui dans son toast de Londres (voir mon comm du n° précédent de la série).
Depuis 1815, la garde nationale était essentiellement composé d'hommes issus de la bourgeoisie car seuls étaient admis au service ordinaire ceux qui pouvaient s'armer, s'habiller et s'équiper. Ils étaient peu nombreux.
Mais, en septembre 1870, après la défaite de Sedan où furent capturés 100 000 soldats et l'empereur, le gouvernement provisoire de la tout juste proclamée 3ème République (le fameux gouvernement de Défense / Défaite Nationale) décida de convoquer tous les hommes de 20 à 60 ans, soit près de 600 000 hommes, dans la garde nationale. Ce fut probablement sa seule action résolue pour la défense... Seulement, il ne restait pas assez d'officiers pour encadrer tous ces nouveaux bataillons, ils furent affectés aux bataillons des quartiers bourgeois de Paris. Quelqu'un décida de réactiver une solution qui avait servi au roi Louis-Philippe pour se débarrasser de La Fayette qui était à la tête de la garde nationale qui avait beaucoup oeuvré pour le départ de Charles X dans la révolution de juillet 1830. Cette solution consistait dans le fait (assez extraordinaire pour une armée...) que les bataillons éliraient eux-mêmes leurs officiers parmi leurs rangs !
Dans le contexte d'une guerre (très concrète puisque les Prussiens étaient aux portes de Paris), choisir celui qui va vous conduire au combat est une question de vie ou de mort. Cela a amené les bataillons des quartiers ouvriers, à prendre l'habitude de discuter sérieusement et très régulièrement des mérites des officiers et même d'en destituer certains qui ne faisaient pas l'affaire, ce qui se traduira dans les règles que la Commune se donnera pour les représentants élus : responsabilité, indemnité équivalent au salaire d'un ouvrier qualifié, et révocabilité... Par ailleurs, plutôt que d'être tous commandés par un quelconque général, les bataillons ouvriers se fédérèrent et élirent un comité central, celui qui émit le fameux appel (voir mon comm du n°70 de la série).