Le Petit Prince 71

Je parvins au mur juste à temps pour y recevoir dans les bras mon petit bonhomme de prince, pâle comme la neige.
– Quelle est cette histoire-là ! Tu parles maintenant avec les serpents !
J’avais défait son éternel cache-nez d’or. Je lui avais mouillé les tempes et l’avais fait boire. Et maintenant je n’osais plus rien lui demander. Il me regarda gravement et m’entoura le cou de ses bras. Je sentais battre son cœur comme celui d’un oiseau qui meurt, quand on l’a tiré à la carabine. Il me dit :
– Je suis content que tu aies trouvé ce qui manquait à ta machine. Tu vas pouvoir rentrer chez toi...
– Comment sais-tu !
Je venais justement lui annoncer que, contre toute espérance, j’avais réussi mon travail !
Il ne répondit rien à ma question, mais il ajouta :
– Moi aussi, aujourd’hui, je rentre chez moi...
Puis, mélancolique :
– C’est bien plus loin... c’est bien plus difficile...
Je sentais bien qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire. Je le serrais dans les bras comme un petit enfant, et cependant il me semblait qu’il coulait verticalement dans un abîme sans que je pusse rien pour le retenir...
Antoine de Saint-Exupéry

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