La petite fille de M. Linh 39

Toutes ces femmes, tous ces hommes, Monsieur Linh n’en a jamais vu autant. Il y avait si peu d’habitants au village. Parfois, bien sûr, il allait au marché de la petite ville du district, mais là encore il connaissait tout le monde. Les paysans qui venaient y vendre leurs marchandises, ou bien en
acheter, vivaient dans d’autres villages pareils au sien, entre rizières et forêts, sur le flanc des montagnes dont on ne voyait que rarement les sommets car ils étaient souvent empanachés de brume. Des liens de parenté plus ou moins lointains, des mariages, des cousinages, les reliaient les uns aux autres. On parlait beaucoup sur le marché. On riait. On se disait les nouvelles, les morts et les contes. On pouvait s’asseoir sur les tabourets d’un des petits restaurants ambulants pour y manger une soupe au liseron, ou bien un gâteau de riz gluant. Les hommes racontaient des histoires de chasse, parlaient des cultures. Les plus jeunes regardaient les filles qui rougissaient soudainement et se parlaient alors à l’oreille en roulant des yeux.
Philippe Claudel

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