La petite fille de M. Linh 21

Des jours passent. Monsieur Linh ne quitte pas le dortoir. Il consacre son temps à s’occuper de l’enfant, avec des gestes tout à la fois attentionnés et malhabiles. La petite ne se révolte pas. Elle ne pleure jamais, ne crie pas davantage. C’est comme si, à sa façon, en réprimant ses pleurs et ses désirs impérieux de nourrisson, elle voulait aider son grand-père. C’est ce que
pense le vieil homme. Les enfants le regardent et souvent se moquent de lui, mais sans oser le faire à haute voix. Les femmes parfois rient aussi en le voyant s’empêtrer dans ses gestes alors qu’il la change ou la lave:
«Oncle, vous n’y connaissez rien! Laissez-nous faire! Nous n’allons pas la casser!»
Et elles rient de plus belle. Les enfants aussi, encore plus fort que leurs mères. Mais à chaque fois, d’un signe de tête, il refuse leur aide. Les hommes soufflent d’un air désolé. Ils reprennent leurs palabres et leurs jeux. Monsieur Linh se moque de ce qu’ils peuvent penser de lui. Rien d’autre ne compte que sa petite fille. Il veut s’en occuper le mieux possible. Souvent, il lui chante la chanson.
Philippe Claudel

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