La petite fille de M. Linh 150

Puis il revient vers son ami, S’agenouille de nouveau près de lui et pose la poupée sur sa poitrine. Le sang ne coule plus.
Monsieur Bark ferme les yeux. Il se sent soudain très las, las comme jamais il n’a été. Il garde ses yeux fermés. Il n’a plus envie de les ouvrir. C’est très doux la nuit, la nuit du regard. On y est bien. Il faudrait que cela dure. Que cela ne s’arrête pas.
«Sang diû... Sang diû...»
Monsieur Bark a toujours ses yeux clos.
«Sang diû... Sang diû...»
Il entend bien la voix, mais il se dit que c’est un rêve. Et il ne veut pas quitter ce rêve.
«Sang diû... Sang diû...»
La voix ne s’arrête pas. Au contraire, elle devient plus forte. Et plus heureuse aussi. Monsieur Bark ouvre les yeux. Tout à côté de lui, le vieil homme le regarde et sourit. Il serre dans ses bras Sans dieu, caressant d’une main ses cheveux tandis que son autre main, fébrile, se tend vers son ami. Il
essaie de relever sa tête.
«Ne bougez pas, Monsieur Tao-laï! Ne bougez surtout pas, hurle Monsieur Bark, qui part d’un grand rire, un rire immense comme lui et qu’il ne parvient pas à arrêter. Les secours vont arriver, restez calme!»
Philippe Claudel

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