La petite fille de M. Linh 12

Le ciel est couvert. Monsieur Linh respire l’odeur du pays nouveau. Il ne sent rien. Il n’y a aucune odeur. C’est un pays sans odeur. Il serre l’enfant plus encore contre lui, chante la chanson à son oreille. En vérité, c’est aussi pour lui-même qu’il la chante, pour entendre sa propre voix et la musique de sa langue.
Monsieur Linh et l’enfant ne sont pas seuls sur le quai. Ils sont des centaines, comme eux. Vieux et jeunes, attendant docilement, leurs maigres effets à leurs côtés, attendant sous un froid tel qu’ils n’en ont jamais connu qu’on leur dise où aller. Aucun ne se parle. Ce sont de frêles statues aux
visages tristes, et qui grelottent dans le plus grand silence.
Philippe Claudel

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