La petite fille de M. Linh 112

C’est une nuit qui n’en finit pas. Une nuit comme il n’en a jamais connu. Elle paraît durer un siècle, mais sa noirceur n’est aucunement inquiétante. Au départ, le vieil homme a le sentiment d’être dans une de ces grottes qui nouent la montagne au-dessus du village et qui sont le repaire des chauves-souris. Monsieur Linh marche dans la grotte vers un point lointain, d’une brillance et d’une blancheur incandescentes. Tout en marchant, il sent les forces revenir dans son corps. Ses muscles roulent sous
sa peau avec souplesse. Ses jambes sont fermes et le portent merveilleusement. Lorsqu’il atteint l’entrée de la grotte, le jour l’éblouit. Le soleil perce au travers des feuillages des grands arbres bruissant des cris des singes et de ceux des oiseaux. Le vieil homme cligne des yeux. Toute cette lumière qui se déverse l’aveugle en même temps qu’elle le remplit d’une joie profonde, inexprimable. Une joie d’enfant.
Philippe Claudel

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